S'il est vrai que des femmes ont voulu ou veulent encore porter des pantalons pour faire comme les hommes ou être leurs égales, la plupart le font pour des raisons pratiques. C'est d'ailleurs un argument qu'avançait mon épouse, au début de notre union, pour minimiser mes revendications, puisque sous-entendant que la jupe ou la robe ne sont pas pratiques. Mais je lui rétorquais le droit tout aussi légitime des hommes à la sensibilité, à la sensualité, à la douceur, à la diversité, au choix, donc à plus de liberté, plus d'affirmation de soi et ainsi d'individualité, d'humanité. Vus mon entêtement et mon sens assez prononcé de l'argumentation, elle a fini par abandonner et m'accepter tel que je suis.
Je pense par ailleurs comme Jean-Michel que les femmes ont une part indéniable de responsabilité dans les choix vestimentaires des garçons et donc des hommes, car la femme projette dans son fils ses représentations du masculin: un homme en pantalon, avec des chaussures fermées, des manches, qui plus est en uniforme, est plus viril. Je l'ai entendu de ces gentes dames, comme j'ai entendu une mère d'environ soixante ans dire à sa fille de trente environ, en me voyant en jupe: "comment peut-on sortir comme ça!", ou bien une autre femme me dire un jour: "les hommes en jupe, c'est bien, mais il n'en faut pas trop" (comme les xénophobes envers les étrangers), ou bien encore une autre dire haut et fort à sa copine à une terrasse de café en me voyant passer en jupe longue en jean: "que c'est kitsch!", alors que je ne faisais pas plus que les hommes vêtus d'un sarong ou d'un paréo ailleurs dans le monde.
D'ailleurs, une connaissance masculine qui m'avait découvert avec ce même vêtement dans la rue avait discuté avec moi plusieurs semaines plus tard, en me disant, furieuse, que des hommes cachaient leur jeu et étaient en fait des travelos (texto!): ce "mollah" franchouillard me sermonnait! Ce qui amène effectivement à penser que les hommes s'interdisent tout ce qui s'apparente au féminin de peur d'être dégénérés, destitués, de perdre leur statut social d'hommes. Car le mâle doit en imposer, impressionner, comme le paon avec sa roue dans la nature. Sauf que la jupe est considérée comme n'impressionnant pas du tout non pas du fait du vêtement en en tant que tel, mais des représentations mentales, culturelles, qui lui sont attribuées, dans une société érotique, qui a construit notamment la virilité. Les femmes ont donc à nous faire comprendre qu'elles conçoivent différemment les hommes, qu'elles acceptent une identité masculine plurielle. Mais c'est également aux hommes effectivement d'exploiter leur potentiel humain de courage, de raisonnement pour être reconnus. Ainsi, puisque beaucoup d'hommes ne refouleraient plus leurs aspirations, ne seraient plus frustrés, les tensions sociales seraient apaisées et notre société gagnerait en humanité.